La Parole de Dieu du Concile au Synode

POMPEO PIANEZZOLA, Livre d’or
POMPEO PIANEZZOLA, Livre d’or
Lettre aux amis
De même que l’événement pascal, destiné à tous, ne s’est pas imposé, mais qu’il s'est offert, de même en est-il de la Parole qui témoigne de cette annonce

Chers amis, chers hôtes, et vous qui nous suivez de loin,

En ces jours où la célébration de la Pentecôte nous a rappelés que le souffle de l'Esprit a rendu les apôtres capables de faire entendre et comprendre les merveilles de Dieu dans tous les langages et dans toutes les cultures de la terre, la coïncidence entre certains événements actuels nous offre une précieuse occasion de réfléchir sur une des acquisitions les plus fécondes du concile Vatican II pour de l'Église catholique: la redécouverte de la valeur propre de l'Écriture dans la vie ecclésiale. Après la publication du lectionnaire des dimanches, l'automne dernier, la nouvelle traduction italienne de la Bible est en effet parue ces jours: voulue par la Conférence épiscopale italienne, elle remplacera le texte en usage depuis 1971; par ailleurs, au mois d'octobre prochain – juste cinquante ans après l'élection d'Angelo Roncalli comme évêque de Rome et pape –, se tiendra l'assemblée générale du Synode des évêques consacrée à « La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Église ». Il vaudrait alors la peine que les travaux des pères synodaux soient précédés et accompagnés non seulement par la prière et l'invocation de l'Esprit de la part de toutes les communautés chrétiennes, mais également par une relecture du chemin que la Parole de Dieu a parcouru à l'intérieur de l'Église durant ces décennies et, de manière symétrique, des routes que l'Église a empruntées par obéissance à la Parole.

Télécharger la Lettre aux amis no 46 (version italienne)


N'oublions pas , en effet, que la Constitution dogmatique que le concile Vatican II a consacrée à la Révélation divine (Dei Verbum) attribue à la Parole un rôle d'unité dans les domaines essentiels de la vie de l'Église: dans la liturgie, les Écritures « font résonner … la voix du Saint-Esprit » et par elles « Dieu vient … à la rencontre des ses enfants et entre en conversation avec eux » (DV 21); la prédication « doit être nourrie et modelée par la sainte Écriture » (ibid.); la théologie doit se baser « sur la Parole de Dieu comme son fondement pérenne » et l'étude de l'Écriture doit être « comme l'âme de la théologie » (DV 24); la vie quotidienne des fidèles doit être marquée par la fréquentation assidue et orante de l'Écriture (DV 25). Cette centralité de l'Écriture dans l'Église vise « à apprendre l'éminente connaissance de Jésus Christ » à travers l'assiduité avec lui. En effet, « ignorer les Écritures c'est ignorer le Christ » (ibid.). Or puisqu'on ne trouve pas un livre, au cœur de l'Écriture, mais la personne vivante de Jésus Christ, la Bible elle-même se présente comme un livre qui exige une interprétation permettant la rencontre avec le Christ, Parole définitive de Dieu à l'humanité.

Comment oublier ce que ces paroles ont signifié – et en particulier la prière, la réflexion, le débat et la communion ecclésiale qui les ont engendrées – dans les réalités ecclésiales locales? Comment ne pas se souvenir, sans nostalgie mais avec une profonde gratitude, de ce souffle d'une nouvelle Pentecôte qui traversait les paroisses des villes et des campagnes un peu partout: pouvoir écouter la parole de Dieu proclamée dans sa propre langue, en connaître un choix abondant et articulé de passages tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, pouvoir accéder librement à la traduction de la Bible tout entière, pouvoir interroger l'Écriture sur ce qui tient à cœur dans la vie de foi et, plus encore, pouvoir se laisser interroger par la Parole de Dieu dans les choix quotidiens de l'existence… Des groupes plus ou moins informels se multipliaient, qui se retrouvaient pour lire et comprendre les textes bibliques, des revues voyaient le jour, ainsi que des publications visant à aider les prêtres, mais également les responsables du catéchisme, les animateurs et les agents pastoraux, à combler leurs lacunes dans le domaine biblique. Et combien de croyants ont appris, précisément durant ces années-là, à se servir de ces richesses redécouvertes pour alimenter leur prière personnelle à travers la pratique de la lectio divina et une familiarité renouvelée avec la liturgie des heures!


Oui, le concile et la saison ecclésiale qui en est issue ont marqué le retour, après un trop long exil, de la Parole de Dieu dans le quotidien de l'Église; on a alors redécouvert que la Bible est le livre d'un peuple et destiné à un peuple: c'est un héritage, un « testament » livré aux lecteurs-destinataires qui succèdent aux auteurs en actualisant dans leur propre histoire et dans leur vie l'histoire du salut dont témoigne le texte écrit. On a repris conscience que, grâce à l'action vivifiante de l'Esprit, la Parole de Dieu peut résonner dans l'assemblée réunie et devenir fondement de l'action liturgique. De cette manière, dans la liturgie, et en particulier dans la liturgie eucharistique, se produit la résurrection de l'Écriture en Parole: lire l'Écriture dans le contexte liturgique signifie dès lors être introduit dans la dynamique pascale.

En même temps, l'accès plus fréquent à l'Écriture et la progressive familiarité avec elle, acquise durant ces décennies, ont mis en évidence aussi la nature « plurielle » de la Bible: une bibliothèque de livres différents, composés à des époques et dans des lieux divers, écrits en trois langues distinctes et caractérisés par des genres littéraires variés, un ensemble de textes qui apparaît au premier abord distant du monde culturel du lecteur actuel et qui laisse transparaître une altérité stimulante. En effet, comme dans une relation entre personnes, il s'agit d'abord de connaître l'autre, de l'écouter, de savoir son passé, de discerner sa volonté et son désir pour pouvoir entrer avec lui dans un dialogue constructif et le rencontrer en vérité, en évitant de le phagocyter ou de se laisser absorber par lui; de même, face au texte biblique, il est une série de pas qui rendent possible une rencontre féconde et préservent de la manipulation de la Parole.


C'est peut-être précisément dans cet horizon que l'on peut saisir combien le chemin entrepris à partir du concile se révèle irréversible: le croyant, accompagné et aidé dans son contact tout personnel avec l'Écriture, en découvre la valeur vitale, parvient à la percevoir comme une Parole qui lui est adressée à lui-même, comme pain de vie pour sa propre existence quotidienne. Une connaissance intime naît, qui implique l'être humain tout entier – âme, corps et esprit – et non seulement ses facultés intellectuelles, et l'amène progressivement à se conformer à la volonté de Dieu et à devenir à son tour « parole » de Dieu proclamée à travers la vie. L'Écriture en effet, qui est une « lettre de Dieu aux hommes », pour reprendre une expression des pères de l'Église, est donnée pour être vécue, pour qu'on y obéisse: vivre la parole devient ainsi un critère d'interprétation pour comprendre l'Écriture, qui se dévoile à nous de manière différente lorsqu'elle est vécue ou lorsqu'elle est simplement lue ou étudiée. Oui, la compréhension du « c'est écrit » tend à devenir histoire de la sainteté: voilà le passage que les pères conciliaires ont aidé à accomplir; il constitue, alors comme aujourd'hui, le passage pascal de la page à la vie. Et les énergies vitales qu'une telle approche de l'Écriture dégage dans le croyant et dans la communauté chrétienne sont telles qu'elles irradient tout le corps ecclésial des dons de l'Esprit et qu'elles le rendent capable d'un témoignage authentique et crédible dans la compagnie des hommes.

De même que l'événement pascal, dans lequel est inscrit le salut universel, ne s'est pas imposé à tous, mais qu'il s'est offert, de même en est-il de la parole qui communique et témoigne cette annonce. La puissance de l'amour, toujours respectueuse de la liberté de l'autre, possède l'efficacité propre du don. Et le don, comme l'amour, n'est jamais neutre, même lorsqu'il est refusé! Comme on répond à l'amour par l'amour, ainsi répond-on au don par la gratitude et en entrant dans la même logique du don. Et même face à celui qui le refuse, l'amour ne cesse d'être amour, et continue à s'offrir, de manière unilatérale! Il maintient ainsi ouverte la voie du salut pour tous les hommes.

C'est cette voie que le concile a voulu faire redécouvrir par la « médecine de la miséricorde »; et c'est sur cette voie que nous sommes appelés à marcher jour après jour, en gardant la Parole comme lampe pour nos pas.

Lee prieur et les frères et sœurs de Bose

Bose, 11 mai 2008
Pentecôte