"Nous sommes ici." À quarante ans de nos débuts

MARGHERITA PAVESI MAZZONI, Le Christ rompt le pain de la communauté
...Dans la prière, qui est toujours communion avec le Seigneur, nous nous retrouvons pour rendre grâces à Dieu et l'implorer d'achever l'œuvre commencée en nous...
Lettre aux amis
par ENZO BIANCHI
Chers amis, nous désirons vous dire simplement que «nous sommes ici», restant fermes grâce à la fidélité du Seigneur et persévérant malgré toutes nos faiblesses et nos manques

Chers amis, chers hôtes, et vous qui nous accompagnez de loin,

En ces jours d'automne, nous ne pouvons pas ne pas nous rappeler les débuts de notre vie commune, il y a juste quarante ans, en 1968. Oui, en ces jours où le soleil déclinait rapidement et le froid commençait à se faire sentir, les premiers frères arrivaient à Bose: Domenico, Daniel, puis Marité, ainsi que quelques autres qui, après juste quelques semaines, nous quittèrent pour reprendre leur route.

Que cherchions-nous? Uniquement à suivre le Seigneur Jésus, en vivant dans la forme de la vie monastique, et rien d'autre. Nous étions tous jeunes, trop peut-être, et fous, peut-être aussi, pour entreprendre une aventure semblable. Toutefois, pour moi, qui étais déjà à Bose, comme en attente depuis trois ans, ces arrivées apparaissaient comme un exaucement, un «amen» prononcé par le Seigneur sur le projet que je portais dans le cœur. D'ailleurs dans cette situation et à cette époque, nous ne pouvions faire confiance qu'à Lui, nous ne pouvions prêter attention quìà Lui et à sa Parole que nous voulions trouver et écouter dans l'assiduité aux saintes Écritures.

Nous désirions vivre l'Évangile et rien d'autre, et nous nous le disions avec une conviction jamais ébranlée, avec un regard naïf qui nous venait de notre âge et du fait que nous ne connaissions pas tout ce qui nous attendait: notre fragilité, la fatigue de la vie humaine, la grandeur et la misère de la vie monastique… Quarante ans sont désormais passés, le temps d'un renouvellement complet des générations, ce temps que le Psaume 95 rappelle par des mots durs – «quarante ans cette génération m'a dégoûté – qui nous interrogent sur notre fidélité.


Le jour du jugement de Dieu, jour terrible et miséricordieux, dira de chacun de nous, et de nous tous comme communauté, ce que nous ne sommes peut-être pas capables de dire et de confesser de manière authentique. Mais dans l'attente de ce jour et dans la confiance qui nous vient de la foi en notre Seigneur Jésus-Christ – ce frère en humanité qui nous a raconté en plénitude qui est Dieu, ce Fils de Dieu, sa Parole faite chair –, nous élevons notre reconnaissance envers Dieu: parce qu'il nous a créés, qu'il nous a fait chrétiens, qu'ils nos a appelés comme moines et moniales à vivre à la suite de son Fils et qu'il nous a conservés jusqu'à aujourd'hui dans son amour.

Oui, une reconnaissance envers Dieu qui devient également gratitude pour tous ceux qui nous ont accompagné avec affection durant ces quarante ans et pour tous ceux qui, dans l'Église, en nous manifestant opposition et hostilité, nous ont donné l'occasion d'être concrètement fidèles à l'Évangile: nous sommes reconnaissants également pour eux.

Cette gratitude, nous voudrions vous la dire à tous, parce que nous ne nous sommes jamais sentis seuls, mais toujours accompagnés d'une grande nuée de frères et de sœurs – au ciel, comme saints, et sur la terre, comme amis – qui cheminaient avec nous, tous communicantes in unum.

Vous êtres nombreux à le savoir: nous n'aimons pas mettre nos fêtes en évidence, non par vertu, mais parce que nous sommes réfractaires à toute auto-célébration. La joie, dans nos cœurs et dans les vôtres, est quoi qu'il en soit profonde. Dans la prière, qui est toujours communion avec le Seigneur, nous nous retrouvons pour rendre grâces à Dieu et l'implorer d'achever l'œuvre commencée en nous.


Nous ne vous cachons pas que nous avons ressenti la décision de Benoît XVI de me nommer expert au Synode des évêques sur «La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Église» comme un grand don fait à toute la communauté, notamment par la coïncidence avec ces quarante ans. Un don important, mais aussi inattendu, parce que nous y avons lu un signe d'affection et d'attention de la part du pape et de l'Église catholique à l'égard de notre cheminement et de notre présence aux marges et au cœur de l'Église et parmi le Églises. Oui, cela a constitué pour moi et pour toute la communauté une grande «consolation»…

Chers amis, nous désirons vous dire simplement que «nous sommes ici»: nous restons fermes grâce à la fidélité du Seigneur à ses dons et nous persévérons – malgré toutes nos faiblesses et nos manques – en recommençant jour après jour à vivre l'Évangile. Nous n'avons ni fonctions, ni tâches spéciales, nous ne nous sentons pas même en mesure de «rendre témoignage», mais nous tentons l'impossible de l'amour, un amour comme celui que Dieu a pour le monde, une entreprise impossible aux hommes, mais possible à Dieu qui nous en a donné l'exemple en Christ…

Sur ce chemin, nous espérons seulement ne scandaliser personne et placer un «signe», rien de plus: un signe que le Royaume de dieu est proche et que nous sommes tous appelés à la conversion. Aidez-nous vous aussi, par la communion vive dans le Seigneur Jésus, à être ce qui est notre vérité.

Salutations pleines d'affection,

Le prieur de Bose
Enzo Bianchi

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Avent 2008