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Lorsque le missel devient un étendard
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Pour cette raison, le pape autorise avec libéralité la célébration de la messe conformément au missel dit de Pie V (réédité en 1962 avant le concile et donc appelé aussi “de Jean XXIII”), de sorte que désormais “tout prêtre catholique … peut utiliser le Missel Romain publié en 1962 par le bienheureux pape Jean XXIII ou le Missel Romain promulgué en 1970 par le souverain pontife Paul VI … Le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du Siège apostolique ni de son Ordinaire”. On abandonne ainsi le régime de l’indult accordé par Jean Paul II en 1984 puis en 1988, qui offrait la possibilité de célébrer la messe dite de Pie V si l'évêque du lieu l'autorisait: désormais la possibilité est offert de la célébrer et l'évêque ne peut pas l'interdire. La forme de la messe de Pie V n'est donc plus “exceptionnelle” mais “extraordinaire”, elle ne représente plus une dérogation aux règles mais elle est autorisée par les règles. Le pape écrit: “Le Missel Romain promulgué par Paul VI est l'expression ordinaire de la 'loi de la prière' … Le Missel promulgué par Pie V … doit être considéré comme une expression extraordinaire de la même 'loi de la prière' … Ces deux expressions … sont en effet deux mise en œvre de l'unique rite romain”.
Mais pour qui a été promulguée cette nouvelle législation? La réponse n'est pas simple, car ceux qui demandent la possibilité de pratiquer le missel de Pie V sont une galaxie numériquement réduite mais très variée. Dans le monde, ces catholiques à la sensibilité tridentine sont environ 300'000 dont environ 450 prêtres, sur un total d'un milliard et 200 millions de catholiques. La moitié d'entre eux environ appartient à la portion schismatique de Mgr Lefebvre. Dans le motu proprio, on pense sans doute à ces derniers – pour lesquels, affirme la lettre, “la fidélité au missel ancien est devenue un signe distinctif extérieur” – mais l'attention se tourne surtout vers les traditionnalistes en communion avec Rome, attachés au rite devenu pour eux familier dès l'enfance.
Hormis ces catholiques, schismatiques ou non, apparaissent aussi à l'horizon de jeunes prêtres qui voudraient revenir au rite ancien ainsi que certains mouvements ecclésiaux qui souhaitent le retour d'une identité fondamentaliste catholique. Il y a enfin une dérive apparente de confréries et d'ordres chevaleresques variés qui attendent de pouvoir célébrer en latin pour revigorer leur folklore et redonner du lustre à leurs livrées médiévales.